J’ai imaginé la sensation d’Israël pendant si longtemps, puis j’y ai posé le pied et je me suis ancrée un instant.
C’était l’aube et j’étais seule. Le silence m’entourait mais déjà le matin bruissait. J’étais attentive, l’œil vigilant : tout mon corps écoutait et guettait le moment propice.
J’avais l’esprit lourd et compact. Les souvenirs flottaient en moi comme si j’avais vécu plusieurs vies. Un bazar chatoyant rempli d’âmes et d’émotions qui remplissait ma tête de sons et de calme.
Alors, je suis partie à la recherche de la lumière de Tel Aviv, celle qui m’obsède depuis des semaines. J’ai marché sans but et mes pas m’ont portée vers la mer.
Sur la promenade qui longe les hauts bâtiments de la ville, on a d’un côté le bitume, de l’autre le sable. Certains promeneurs prennent le temps de contempler l’horizon lointain, d’autres pressés courent, des familles flânent, des femmes font jouer leurs enfants, passent un couple, une militaire au corps imposant. J’écoute étonnée la profusion des langues et des accents, j’entends le russe de mon enfance, un anglais bredouillé, et surtout, la bouillie sonore de l’hébreu, dont je peine à distinguer les mots. Parfois j’identifie un son mais le sens se perd encore.
J’ai inspiré profondément, je voulais te sentir Tel Aviv, identifier ton odeur ! De mon précédent voyage, j’avais gardé un t-shirt roulé en boule, qui en séchant s’était imprégné de toutes les senteurs. L’odeur du soleil qui brûle et fait suffoquer, atténuée en hiver, le propre et la poussière, la foule, le bruit des voitures, les conversations si fortes qu’on dirait des disputes, la chaleur et l’agressivité: mon vêtement sentait tout cela.
Je me suis assise pour noter tous les parfums qui me traversaient. Sur mon carnet, j’ai tracé des traits noirs sans fin, et les mots ne cessaient de résonner.