Depuis des semaines, nous construisions une pyramide d’attentes, brique par brique. Notre mortier: l’envie que tout se passe comme prévu et le souhait que le Covid, seul invité indésirable, ne vienne pas gâcher notre fête. Nous avions placé au sommet de l’édifice le désir ardent de célébrer notre amour entouré de nos proches.
Il y avait une robe blanche achetée d’occasion, et un costume beige déniché chez un vieux juif turc qui avait assuré qu’il n’existait pas de meilleure affaire en Israël.
Un bouquet de fleurs colorées acheté le matin même, les précieuses boucles d’oreilles maternelles prêtées pour l’occasion, les chaussures de Nico cirées au dernier moment, un châle de prière délicatement brodé sorti d’un tiroir et la ketouba prête à être signée.
Le soleil de fin mars, haut dans le ciel dans l’air encore frais, était sur le point d’enflammer le printemps.
Nos amis et nos proches, de tous les horizons, de toutes les époques et épreuves, arrivaient au fur et à mesure, dans la lumière de la fin du jour et l’éclat des retrouvailles. Tous les nôtres se trouvaient réunis dans cette salle, chez nous pour un instant, élégants, l’œil brillant, partageant la joie et propageant la tendresse.
Tout à coup, la musique de Nico démarre. Sans un regard en arrière, il avance vers la houpa d’un pas décidé, Martine et Camille prennent chacune un de ses bras.
Déjà, c’est mon tour. Je reconnais les notes de ma chanson d’entrée, puis 5,4,3,2,1 c’est le moment d’entrer dans la lumière, encadrée par mes parents.
Tous les regards autour de nous renvoient une infinie bienveillance et c’est comme si j’étais portée par les sourires et le brouhaha des clameurs et des rires.
Bientôt je n’entends plus rien, je ne vois que des bouches rieuses mais je ne distingue plus les visages, j’entends la liesse mais je ne reconnais plus les voix. Je me suis perdue dans l’instant.
Au bout de l’assistance, Nico brille dans son costume beige comme un soleil d’été.
Il relève mon voile et me serre fort les mains. Je le serre fort en retour, et cela signifie: “C’est complètement fou qu’on soit là tous les deux, que nos bonnes étoiles nous aient conduits jusqu’ici et que l’on s’apprête à vivre ce moment lumineux”.
Nous marchons vers la houpa ensemble où Bitya notre rabbin nous accueille dans cette maison spirituelle éphémère, qui s’est ouverte ce soir comme un pont entre notre monde et celui de nos ancêtres.

Nous nous marions un dimanche, et c’est comme un premier jour où nous nous sommes choisis sous le regard de nos témoins.
Nos proches viennent bénir notre union sept fois, en versant dans le verre sacré le vin et leurs prières. Quand nous buvons le vin béni, nous nous remplissons de leurs bénédictions.
Nico prononce la prière du “She ikhianou”, qui remercie d’être arrivés à ce moment de joie. Il rappelle tous les enchevêtrements de la vie, tous les détours et les coups de chance qui ont fait que nous sommes arrivés à bon port. Depuis Nico, s’étend une chaîne d’émotion qui nous connecte étroitement les uns aux autres.
Puis il brise le verre et nous sommes mariés! Nico est mon mari, et même si rien n’a vraiment changé entre nous, notre lien est différent.
D’une seule voix nous crions notre bonheur et notre chance, et la musique retentit. Nous sommes portés d’étreintes en étreintes, nous échangeons bénédictions contre accolades, émotions contre vœux de bonheur. Nous sommes au sommet de notre pyramide. Notre joie éclate, se multiplie et se propage comme un écho à travers tous ceux que nous aimons.

Toute la soirée est rythmée par la joie et les danses, à deux, en groupes, en chaîne, en étreintes.
C’est l’alliance de l’intime et du collectif. Mon cœur s’emballe avec le rythme effréné, on dirait qu’il bat à l’unisson avec cette foule affectueuse. Nos mères, Camille et nous sommes installés tour à tour sur des chaises et vivement lancés en l’air par nos amis, par une sorte de miracle collégial défiant la gravité des kilos superflus.
Jamais je n’ai autant aimé et jamais je n’ai autant reçu d’amour.
Depuis un an, la chaleur et la tendresse de cette journée ne se sont pas éteintes.
Le coton des premières noces a un peu absorbé l’ivresse pour ne laisser qu’un goût sucré et réconfortant en bouche.
Toujours aussi heureuse de te lire Tatiana. Ton bonheur me fait tellement plaisir. Tanti Baci lots of hugs
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