De ma grand-mère j’ai :
Un prénom russe
Une comptine qui me trotte dans la tête qu’on lui a apprise quand elle était petite et dont il ne reste que des sons sans cohérence qui riment « droni, alexedroni, alexedroni limpaponi »
Une chaîne achetée à Jérusalem en 1969 que je porte aujourd’hui – elle s’y est accrochée de toutes ses forces quand des voleurs de rue ont essayé de la lui arracher
La superstition de souffler régulièrement Pfeu pfeu pfeu pour éloigner le mauvais oeil
La patience et la résignation face à certains caractères
Une croyance immuable que les choses iront pour le mieux
Un sionisme discret parce que « Si nous ne défendons pas Israël, qui le fera pour nous? »
La réutilisation des sachets de thé car on aime toutes les deux le thé peu infusé
La peur du manque qui me fait emmagasiner des boîtes de conserves et empiler des tupperwares avec une angoisse étrange qui ne m’appartient pas
Des fossettes et des reflets roux, l’été
L’excitation du jeu
Les livres qui forment des piles instables partout où je vis
La passion des histoires de vie
Une tendance à stocker les graisses, dont l’utilité morphologique s’est pourtant perdue depuis les hivers soviétiques
Un plaisir à l’ordre
Des bonbons dans les poches
La saisie systématique des choses gratuites dans les hôtels
L’observation des voisins de table au restaurant
Des rivières d’anecdotes sur ma mère aux petites mains, mon oncle qui est tombé dans la neige quand il était bébé, une promenade en barque pour cueillir des feuilles – des souvenirs de vies que je n’ai pas vécues
Des conseils et des reproches
Des inquiétudes
Les amitiés éternelles
La rancœur et parfois la colère
Le désir immense d’être aimée
Une propension à la susceptibilité
Des expressions en polonais et en yiddish
L’espoir de l’amour, et l’origine du regard amoureux que je pose sur Nico
La fierté des origines
Une bonne étoile qui brille (pfeu, pfeu, pfeu)
Le manque
Tant de choses qui sont parties avec elle il y a 5 ans maintenant, et d’autres qui sont restées. Et je me souviens de son poids sur mon bras quand elle marchait en s’appuyant sur moi, un bon poids moelleux, lourd, qui est devenu plus léger.
J’ aurais aimé connaître ta grand mère
J’aimeJ’aime
Qui es-tu? Ecris-moi ;)
J’aimeJ’aime