Avec mes copines Aline, Justine et Ninon, nous nous sommes offert un aller-retour express le temps d’un week-end pour assister aux épreuves des JO.
1ère surprise : Rio, transformée !
Dès l’arrivée à la gare routière, on voit que la ville a fait peau-neuve. Evacués les mendiants à la sortie des bus, exit les vieux panneaux de signalisation peu clairs. A Rio, le touriste aux poches pleines est accueilli à bras ouverts : les rues ont été nettoyées, brillent, sentent bon, des policiers guettent l’œil alerte. Toutes les saletés ont été comme cachées sous un tapis géant, avec tout ce qui dérange.
Quand on va acheter nos sandwichs au supermarché Zona Sul à Ipanema, les employés ont visiblement été bien formés. Dès qu’ils nous entendent discuter en français dans les rayons, ils s’approchent et dégainent leurs phrases prêtes à l’emploi « Welcome in Brazil », puis s’en vont illico, car il n’est pas certain qu’ils sachent réellement en dire plus. Ninon est flattée que l’employé de la charcuterie ait reconnu qu’elle était plus qu’une touriste, puisqu’on lui a demandé si elle était Paulista, la classe.
On prend le métro direction la ville olympique et l’organisation force le respect. On paye cher un billet à la journée, mais on monte en touristes disciplinés dans le métro neuf qui a été inauguré 2 jours avant l’ouverture des Jeux. Ensuite la correspondance est facile, et on est guidés par des flèches jaunes et des volontaires tranquilles.
2ème surprise : l’ambiance échauffée
Enfin on arrive à Barra de Tijuca, le quartier riche distant d’une heure du centre, où sont regroupés la plupart des nouveaux stades. Le peuple est impressionnant, on est venus en masse assister aux réjouissances, et on suit les indications calmement, un peu impatients mais réjouis. Les installations sont récentes et on sent même qu’elles ont été terminées à la hâte, mais le contrat a été rempli !
En rentrant dans la grande ville à l’intérieur de la ville, les stades sont imposants, blancs ou oranges, traditionnels ou futuristes, et des drapeaux flottent au vent. Ce matin on assiste à la petite finale de handball (prononcez handjibow à la brésilienne) féminine entre la Norvège et les Pays Bas, mais on rate le début du jeu vu qu’on met un temps fou à trouver l’entrée du stade, tandis que Justine apporte l’éclair de lucidité « Tati, ici ce sont les générateurs, pas le handball ». Mais enfin on s’assoit dans le stade orange et vert, et on est prêtes à observer le jeu habile des Norvégiennes qui envoient au tapis et à la cruelle quatrième place les pauvres Hollandaises.
En sortant, des Brésiliens dégoûtés que leur pays ait été éliminé avant les médailles nous revendent leur place pour la finale et on va encourager nos filles. On arrive plus tôt dans le stade pour trouver de la peinture tricolore, et Ninon peut sortir le drapeau qu’elle avait apporté au cas où et se draper fièrement des couleurs qui nous sont chères.
On forme un bastion patriote au milieu des hordes russophiles qui scandent « Ru-ssi-a! » dans un élan tout-à-fait soviétique. On hurle à pleins poumons nos chants français, on saute sur nos sièges et on prend à partie nos voisins « Qu’est-ce qu’il y a ? ». On vit un moment de folie quand on égalise à la deuxième mi-temps, puis on se laisse gagner par le
découragement et la défaite nous attriste, et bien sûr on reste dans l’arène pour voir flotter notre drapeau. L’écran géant projette en gros plans les larmes des Françaises, et c’est difficile de ne pas être serrés par l’émotion : on lit sur les visages tant d’efforts et tant d’espoirs dans cette victoire en demi-teinte.
Le soir à partir de 20h on assiste aux finales de taekwondo dans les catégories Femme plus de 67 kg et Hommes plus de 80 kg. La salle est plus petite que pour le handball, et on trouve des places proches de la zone de combat.
L’ambiance est plus chaude, elle prend au corps, peut-être parce qu’on sent la tension et qu’on perçoit la sueur de ces 3 fois 2 minutes de combat de chaque affrontement. Malheureusement, les derniers Français sont éliminés aux repêchages, malgré l’escadron tricolore dans les tribunes et les encouragements puissants et rauques « Allez Gladys ! » avec toutes les nuances de l’espoir dans les voix qui hurlent.
On vit un moment surréaliste au moment d’un des combats entre un Coréen et un Ouzbek, car les deux pays ayant peu de supporters, l’ambiance est au départ un peu molle. Un des spectateurs se rend compte que le prénom du Coréen est Cha, et monte un refrain entraînant « Pum cha cha » qui est un des rythmes de base du funk carioca, une musique électro populaire née dans les favelas. Le Carioca motivé scande son refrain et il est repris par la foule qui sort de sa léthargie pour scander en rythme et les Brésiliens de devenir les plus fervents défenseurs du Coréen dont ils ignoraient le combat cinq minutes auparavant. Le Coréen n’a rien dû y comprendre, mais c’est le plaisir du jeu, la joie du sport et d’encourager, l’énergie vitale du Brésil.
Les Brésiliens sont en transe, ils bondissent à chaque point marqué et la folie s’empare des tribunes quand rentre Maicon, l’énorme noir qui représente les 80 kg du Brésil. Tous les corps sont bandés dans la tension, l’espoir, la rage de vaincre.
Maicon affronte un Britannique pour la médaille de bronze, et il lui est clairement inférieur. Mais à chaque coup qu’il porte la foule mugit et décuple ses efforts, tandis que l’adversaire est hué, rabaissé, humilié. Ce n’est pas Maicon qui remporte le bronze, c’est l’ensemble des tribunes qui piétine, hurle, enrage et envoie toute son énergie dans les jambes agiles et les bras puissants d’un seul homme. La « torcida brasileira » : la force des supporters dans toute sa densité.
Aussi, les Brésiliens prennent en sympathie la demi-douzaine de Nigériens qui encouragent leur finaliste, pleins de joie et d’espoir, et qui semblent cinquante tant ils ont de tonus et d’ardeur. On apprendra plus tard que la médaille d’argent qu’Issoufou a rapportée est la seule du Niger aux JO 2016. Mais sur le coup, le stade se laisse gagner par la détermination nigérienne, et on vibre avec Issoufou. Quand il s’écroule perdant à 2 contre 6 contre le l’Azerbaïdjan, il s’effondre et se met à pleurer, dépité. C’est terrible de voir ce corps musclé et habile, à l’instant mu par la force et vigueur, s’affaisser et sangloter. C’est son entraîneur qui doit le tirer pour qu’il se relève et compose une tête de bon perdant, sous les caméras qui filment en gros plan, mais il ne semble pas croire à la défaite et il sanglote tête baissée dans les bras du public conquis.
En à peine trois épreuves, quel fabuleux condensé d’émotions, quelle énergie, quel déploiement de force et de violence sportives !
3ème surprise : ce n’est pas une façade
On rentre du village olympique frigorifiées, car la nuit est tombée et l’air s’est franchement rafraîchi avec la pluie torrentielle. L’hiver de l’hémisphère sud n’est pas un mythe.
Dans le bus qui nous ramène au métro à minuit, tout le monde frissonne et a le regard un peu vide d’alcool et de fatigue. La journée a été remplie et chargée d’émotions et de verres. En achetant une bière dans la journée, on gagne un gobelet en plastique solide aux couleurs des JO, avec la représentation d’un sport olympique. J’imagine qu’il y a autant de gobelets différents que de sports, et certains se sont lancés dans une compétition de beuverie olympique, en récoltant tous les verres possibles. On croise des Brésiliens éméchés, exhibant fièrement leur vingtaine de verres colorés.
Ninon subit les assauts amoureux de drague malhabile d’un Brésilien au regard bovin, il a peut-être eu les yeux moins louches il y a 6 ou 7 pintes.
Cependant, dans le métro nos cœurs s’attendrissent lorsqu’un groupe de Cariocas se regroupe spontanément pour reprendre des airs de samba en chœur. Ils fredonnent des airs traditionnels de samba comme la chanson « Trem das Onze » qui narre les problèmes d’un amoureux qui doit rentrer chez lui avec le dernier train et ne peut rester avec son aimée, et la complainte est adapté au public du métro qui rentre dans le centre de Rio après une journée chargée. Une Brésilienne avec une veste en jean reçoit en hommage une déclaration de samba amoureuse destinée à « la fille vêtue en bleu », bien sûr la « Garota de Ipanema » fait le trajet avec nous et d’autres mélodies que je ne connais pas mais dont les mots nous remplissent de notes et de couleurs. Et tous les Brésiliens du wagon chantent avec les jeunes ivres et le train se remplit de musique, on bat des mains et on prolonge la folle excitation de la journée.
Le Brésil ne feint pas la chaleur, la convivialité, il offre sa musique et son énergie et s’ouvre aux touristes et aux passants, le temps d’un voyage, de jeux, d’une saison.
Et le lendemain au bureau, les commentaires, la fierté, l’audace : « Tu étais à Rio, c’est bien fait, non ? » « Tu as vu, comme la cérémonie de clôture était réussie ? » et « Je n’ai pas vu d’autres JO, mais je crois que c’était génial, pas vrai ? » 100% vrai!
De la bombe cette article ! Tu nous as transporté à Rio ! Thanks
J’aimeJ’aime
Génial cet article ! Tu nous a transporté à Rio avec toi ! Thanks
J’aimeJ’aime
Tatiana super article, un récit bien écrit et tinté d’humour!!! J’etais pliée par l’eclair de ludicidité de justine, le regard bovin de l’amoureux de Ninão et par la soudaine passion du public pour le coréen hahahaha
J’aimeJ’aime