Il m’arrive souvent de m’interrompre un moment et d’observer autour de moi, comme si le film de ma vie effectuait un arrêt-sur-image, et je rigole, attendrie. Si vous partagiez mon quotidien, vous verriez (vraiment) les Brésiliens….
- Le télephone greffé à leur main, sur whatsapp, en train de prendre des photos de tout et de faire des selfies en réunion, d’enregistrer des notes vocales. Les Brésiliens marchent dans la rue en parlant dans le micro de leur téléphone, racontent tranquillement leur vie à leur appareil dressé devant eux comme un petit plateau récépteur, emportent l’engin chéri aux toilettes, au supermarché, partout, comme une extension d’eux-mêmes. Oubliez les pipis ennuyeux et silencieux au bureau, découvrez l’intimité zéro : « Non tu ne me déranges pas : je suis aux toilettes , comment vas-tu ?» !
En train d’exécuter la fabuleuse chorégraphie du fil dentaire, après chaque repas. Après la pause du matin, après le déjeuner, après le goûter, il y a foule aux toilettes du bureau! Tout le monde se promène avec sa petite trousse pour se brosser les dents, se laver le visage et se remaquiller de A à Z (crème hydratante, base, blush, mascara…). La tradition incontournable c’est le bal public du fil dentaire, où on dévoile allègrement le contenu de nos bouches béantes astiquées consciencieusement, en papotant avec ses voisins. Et si une réunion est programmée à 13h30, on peut entendre fréquemment : « Je vais me laver les dents et j’arrive ! » et si l’on se demande où est Pedro « Sûrement en train de se brosser les dents ! ». Bien sûr !
- Faire des gestes ! L’héritage italien est tenace et a même été dépassé. On peut tenir
presque une conversation entière sans se parler, et communiquer avec nos 10 doigts. Le grand vainqueur est sans aucun doute le pouce dressé, qui veut dire « ok » « oui » « tout va bien » (question et réponse), « salut ». Mais on peut aussi jouer avec les doigts pour se dire qu’un endroit est blindé « cheio » en tapotant du pouce ses autres doigts joints comme une fleur, ou dire qu’on est foutu en tapant avec la paume de la main droite le poing de la main gauche.
J’adore le fait d’avoir un mode de communication si efficace, sans doute jamais théorisé, mais que tout le monde maîtrise. Mon ami David racontait qu’en rentrant en France après 6 mois au Brésil, il distribuait des pouces à tout le monde, au point de choquer son entourage et qu’il dut se réhabituer à s’exprimer verbalement…
- Se faire des câlins pour se dire bonjour. On s’embrasse une fois à São Paulo, puis on se serre brièvement dans les bras, même quand on ne se connaît pas vraiment, mais plus ou moins fortement. C’est comme une bise améliorée, de la tendresse distillée dans le quotidien. Et si tu essayes de te souscraire à la cérémonie du salut prolongé parce que tu es pressé, petit Français naïf, on te le rapprochera lourdement « Tu ne me dis plus bonjour ! »
- Patientier calmement dans une queue. On aurait tort de penser que les Brésiliens sont heureux de faire la queue, mais ils acceptent cette contrainte avec plus de tranquillité, ils se rangent les uns derrière les autres au supermarché pour obtenir la mozzarella ou le jambon désirés, coupés comme ils le souhaitent. Et quand il n’y a personne, ils s’imaginent que la qualité n’est pas au rendez-vous et fuient les services sans file !
En train de grignoter, manger un « lanchinho ». Les Brésiliens mangent moins pendant les repas, et compensent en grignotant toute la journée. C’est amusant de les voir tranquillement tartiner leur cracker avec du requeijão (fromage liquide) ou manger leur club sandwich, leur açai, leurs gateaux, leurs fruits (plus rarement) au bureau. Et le pire, le trio pain – mortadelle – coca souvent dégusté le vendredi à 16h, et qui cause mon désespoir car c’est impossible de se concentrer avec l’odeur prégnante de cochonnaille.
On peut aussi voir les Brésiliens se raconter des rumeurs au travail, ne rien faire en toute détente, être en retard et ne pas s’en préoccuper, rester calme. Le Brésil, c’est l’art de vivre détendu et tranquille, et chaque jour je me découvre plus brésilienne, avec le désir d’aimer ce pays surprenant un peu plus à chaque fois!