L’Oktoberfest de Blumenau en 5 mots

Le week-end du 8-9 octobre, mes copains et moi sommes allés célébrer la bière à la 2ème plus grande Oktoberfest du monde, à 9600 km de la version originale à Munich : nous nous sommes rendus dans l’état de Santa Catarina dans le Sud du Brésil à l’Oktoberfest de Blumenau.

Vue du Brésil, voici l’Oktoberfest de Blumenau en 5 mots.

L comme Logistique  

Il faut vraiment être un groupe expert en logistique pour acheminer 15 paquets Franco-Brésiliens de São Paulo à Blumenau en 4 bus (10h de route), 2 avions (1h puis correspondance), en alliant une ribambelle d’ubers et de taxi pour arriver le samedi matin à Blumenau, en passant par Curitiba ou Joinville (drôle) et organiser le départ dimanche soir pour arriver, frais comme des truites allègres pêchées deux semaines auparavant, à São Paulo le lundi matin!

Notre groupe parvient à déjouer les mauvais coups du sort (transaction et réservation non confirmées, avion annulé, bus raté à cause d’une pause café prolongée,  place mal attribuée…) et à débarquer par petits paquets dans le logement sommaire qui accueillera les 15 futurs fêtards, déjà éprouvés par le voyage.

Notre taxi se perd en arrivant dans une petite rue en pente violente aux maisons délabrées et je nous imagine déjà dépouillés de toutes nos possessions à quémander des bières, quand enfin le véhicule se gare devant une maison qui longe une route nationale au trafic dense. On grimpe un escalier aux hautes marches irrégulières pour arriver sur une terrasse qui ouvre sur une chambre étroite avec rien de moins que 4 lits superposés alignés, puis une autre pièce avec 2 lits superposés et une dernière avec 4 autres lits: tout à fait précaire. Et pour contenter tous ces voyageurs, une minuscule salle de bain avec des toilettes dont la chasse d’eau est timide et hésitante (n’allons pas plus loin). Ajoutons pour dépeindre parfaitement le décor que la recommandation était d’apporter ses propres draps, serviettes, couvertures et matelas (rayez la mention inutile).

Il en faut plus pour freiner l’enthousiasme des adorables propriétaires qui nous accueillent sur la terrasse et nous prennent à partie « Bien arrivés? » (Euh..)  « Vous aimez la vue? » Là il faut vraiment être imaginatif pour occulter la quatre-voies qui fait un bruit monstrueux, derrière laquelle coule certes une paisible rivière boueuse, et au loin des immeubles et des montagnes forment un paysage bucolico-industriel étonnant. On s’extasie néanmoins de bon cœur, en partie parce qu’ils alignent sur la table la première rangée de bières.

Mais si le logement et le transport laissent penser qu’on souffre d’un karma déficitaire, la fête compense largement !

P comme Passion 

A l’origine il n’y a pas le Christ et la douleur, mais Ugo et la saveur ! Notre compère Ugo, Ogi pour les intimes, est un Allemand dans l’âme : la Bière est sa patrie. C’est lui qui a monté la structure organisationnelle du projet (un groupe whatsapp créé en mai), qui nous a abreuvé de photos et de liens vers des musiques et chants traditionnels allemands. C’est lui encore qui a décompté les jours depuis l’édition précédente vers la fête de 2016 et qui chaque jour trépignait davantage. Dès le début du mois d’octobre, il a eu du mal à se contenir et dès la veille du départ il est fiévreux et explosif, entraînant des incompréhensions culturelles lorsqu’il crée un malaise en  expliquant à une Brésilienne qu’il est tout « excité »  par l’Oktoberfest, alors qufullsizerendere l’excitation n’a en portugais qu’une connotation sexuelle.

Il parvient à transmettre son allégresse à un groupe entier, et embarque dans son voyage deux accolytes de GPA (Glenn qui déteste la bière, et moi, Claire est dans nos coeurs), des amies (Leia, Kelly et Ninon) deux couples (Justine et Vitor, Beatriz et Antoine) et une profusion de mâles amateurs de malt et de houblon : Olivier, Krish, Sébastien, Nicolas et Paul.

L’ambiance au sein du groupe s’échauffe à mesure que nous parviennent les vapeurs de bière et qu’on s’approche de la Vila Germanica, dans son coin, Ugo révise ses phrases d’accroche pour draguer les Allemandes en VO.

L’État de Santa Catarina, dans le Sud du Brésil, a accueilli une importante colonie d’Allemands et d’Européens tout au long du XIXème et l’architecture des villes en témoigne. Les immeubles sont plus petits, certains ont des colombages, des petites maisons ont des pans de bois visibles. C’est un petit Strasbourg tropical, car la ville abonde aussi de palmiers et d’arbres verts éclatants de lumière.

A l’approche de la Vila Germanica, le coeur de Blumenau où est reconstituée une ville bavaroise, on commence à croiser des touristes et des Allemands en tenues traditionnelles ou ersatz, les femmes avec des chemisiers blancs bouffants et des corsets lacés, des jupes volumineuses, les hommes portent des culottes courtes, des bretelles et des chemises à carreaux. Et bien sûr, les cheveux sont nattés et les têtes coiffés de chapeaux.

Quand pour déjeuner on commande les premières bières, que les assiettes garnies de choucroute, de saucisses et de genoux de porc sont posées sur les tables dans la taverne, on pousse tous un soupir de contentement, « Ein prosit » : santé, et que la fête commence ! Il est 14h quand la première bière est renversée…

S comme Saucisses

On rentre tous déguisés dans la petite ville, tous nos hommes portent des chemises à carreaux et des bretelles saillantes, nous les filles avons vêtu des jupes rouges ou bordeaux, nous sommes parées de couronnes de fleurs et nos décolettés sont pleins et généreux comme ceux des Bavaroises. La bière et la gastronomie sont à l’honneur. Partout des caisses sont disponibles pour acheter des tickets qui nous invitent à consommer des bières simples : Pilsen, Weizen, Dunkel, IPA ou boissons élaborées : bière aux fruits rouges, goût tiramisu (étonnamment bonne), cocktail avec du vin (excellent), et des marques varíées : Eisenbahn, Bierland, Baden-Baden, Schin, Kirin Ichiban (l’intrus asiatique mais peu importe le flacon… !). Même Glenn l’ennemi de la bière succombe aux saveurs sucrées, amères ou douces. Il acquiert avec les autres les godets en métal que l’on porte en bandoulière, choppes personnelles qui gardent la bière fraîche et assurent un style sans faille.

On découvre les breuvages et on enchaîne les verres, Ugo perd le compte à la 14ème bière, Antoine et Olivier boivent sans doute leur poids en alcool et moi je goûte tout ce que je ne connais pas. C’est la soif de la découverte !

Comme toujours, les Brésiliens font la queue disciplinés et les lignes de queue sont rapides quand on boit pour prendre patience.

Pour étancher la soif il y a la bière et l’eau, et pour soulager la faim il y a… des saucisses ! Nos yeux s’illuminent au grill des saucisses, qui devient notre point de rendez-vous : c’est un stand où les wurst de Blumenau rouges ou blanches sont cuites sur un barbecue rotatif qui tourne comme un manège. C’est le cirque de la saucisse et on est à deux doigts d’applaudir quand on reçoit nos deux saucisses fourrées dans du pain et arrosées de moutarde à l’ancienne. On déguste aussi des kartoffels ou pommes de terre farcies de viande, de saucisses, de lardons et fromages (un programme gourmet vous dis-je), des hot-dogs, des burgers de canard, des pâtes traditionnelles, des gauffres et un délicieux strudel pomme ou banane. Le parfum du grill emplit nos narines et l’Allemagne est dans nos papilles. Si vous frisez l’embonpoint juste en lisant, imaginez-nous : Allemands en herbe excités et réjouis, sautillant de plus en plus lourdement avec nos tickets de stand en stand.

J comme Joie

Mais on ne fait que manger et boire ! Le thème de la fête, qu’on ne s’y trompe pas, n’est pas l’alcool, c’est l’Allemagne et ses traditions. On rentre dans une sorte d’immense entrepôt où trois salles spacieuses et décorées s’ouvrent l’une sur l’autre. Au centre de chaque salle joue un orchestre germanophone, et l’une des salles propose un centre de tir, c’est le repère des Allemands de souche.

Les orchestres souvent masculins alternent mais jouent en boucle les mêmes musiques traditionnelles, qu’on connaît de loin, et nous reprenons mille fois nos préférées : l’hymne « Ein Prosit, Ein Prosit…. », « Hi ahi ahi aho » qu’on fredonne et hurle en boucle, et « Jetzt Geht’s slos » qu’on simplifie en « Let’s get lost ou let’s get sluts » pour plus de compréhension.

Les musiques sont toutes plus gaies les unes que les autres, un orchestre autrichien (on met du temps à comprendre qu’ils ne sont pas vraiment allemands et rien ne laissait présager une telle trahison, même si l’agitation frénétique du drapeau autrichien lors de leur performance aurait pu nous mettre sur la piste) met une ambiance de folie en reprenant une version germano-hispanique de « Para bailar la bamba » et du Elvis Presley version Teuton. Tout le monde s’épuise à la danse, on est entraînés dans une dizaine de chenilles où le défi est de se  tenir à la personne de devant, tout en dansant en rythme, tapant dans la main des danseurs croisés en route, et en maintenant son pichet plein. Puis les garçons lancent des paquitos, la tradition du Sud-Ouest où on s’assoit les uns derrière les autres et un par un on se jette sur le rang, rattrapé et passé de main en main. On essaye de suivre aussi les chorégraphies exécutées sur scène, mais même les chanteurs ne sont pas synchronisés, sans doute carburent-ils à la même boisson que nous.
img_1787L’apogée de la soirée consiste dans la participation d’Antoine et Ugo au concours de sciage de bûches, rendant hommage aux traditions bûcheronnes bavaroises. Les duos s’affrontent au temps et aucun ne présente de véritable talent pour cette activité ancestrale… Cela dit, la scie est lourde et difficile à manier et même les hurlements d’encouragement ne portent pas les compétiteurs. Lorsque nos représentants français montent sur la scène, nous encourageons en coeur et hurlons de joie « Allez les Bleus ! ». Antoine et Ugo sont bien imbibés de bière allemande, à leurs fronts perle une sueur germanique et leurs mouvements sont coordonnés dans leurs chemises à carreaux assorties. Pourtant ils ne scient leur tronçon qu’en 1 minute 10, loin derrière les 46 secondes des vainqueurs mais sauvant l’honneur devant deux accolytes de la région du Minas Gerais qui ne tranchent leur bûche qu’en 2 minutes 30, calmes et las.

A comme Ambiance

Vous l’aurez compris, l’ambiance est à la joie et à la célébration bon enfant. La journée les rues de la Vila Germanica sont remplies de familles, des nourissons vêtus de culottes courtes ou ornés de couronnes de fleurs.  On acquiert tous des choppes colorées, des vêtements plus ou moins traditionnels, des magnets, des porte-clés : on agit en touristes respectables dépensiers. Le soir, le public se fait plus jeune et plus festif. La folie et l’ivresse nous entraînent jusqu’à la fête foraine voisine où on se lance dans un tournoi endiablé d’auto-tamponneuses, tout en criant à chaque impact « Hi ahi ahi aho ! » parmi les enfants naturellement sobres et choqués. Ma conduite n’est pas totalement à la hauteur, mais pour ma défense je suis alcoolisée et mon auto ne démarre pas!

Pour autant, nous nous assagissons lorsqu’un intermède culturel interrompt la fête sous la forme de danses traditionnelles bavaroises (la danse des moulins, la danse des lanternes et autres réjouissances) : on assiste au spectacle calmement en commentant les tours et les changements de partenaires. De même on applaudit au passage du défilé, et on chante en coeur. Lorsque les chanteurs nous interpellent en allemand, dans le doute ce ceux qui ne comprennent que goutte (Gut), on crie et on hurle, contents.

Notre cri de ralliement est le désormais célèbre « Hi ahi ahi aho » qu’on reprend à l’infini, on se perd pour se retrouver et se rassembler, on se sème pour se rejoindre et on prend cent photos qu’on éparpille sur les réseaux sociaux :  fêtant l’anniversaire de Kelly (Parabéns!) entre filles, entre mecs, avec la Miss Club de Chasfullsizerenderse  (je n’invente rien) en costumes prêtés, dansants, ivres, assis et épuisés, trinquants, fiers, heureux, ensemble.

C’est un week-end de joie et de nostalgie de l’Europe, de célébration de l’Allemagne et du plaisir de boire en bonne compagnie.

Le lendemain, au réveil après la nuit dans le bus, on est moins glorieux et plus ternes. Un passage sur la balance confirme que le groupe a pris en moyenne 2 kg par membre en 2 jours et nos estomacs sont bien mal en point. Nos regards sont voilés par la fatigue (l’une d’entre nous s’endort en réunion…) mais nous sourions en nous remémorant les excès et la joie, la folie et l’ambiance.

L’année prochaine à Munich ?

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